Pourquoi les employés se démotivent et comment y remédier
La démotivation n’est pas une fatalité. En actionnant les bons leviers, les managers peuvent redonner aux salariés l’envie de s’engager.
Quel manager n’a jamais eu affaire à une personne – ou, pire, à un groupe de personnes – démotivée ? Une situation frustrante, n’est-ce pas ? Même s’il nous est arrivé de l’être aussi, il n’est pas toujours facile de compatir avec ceux qui sont dans cet état et par conséquent moins productifs. Parfois, nous considérons même leur lassitude comme un bug mental et sommes persuadés qu’il suffirait à ces individus d’un peu de volonté pour se reprendre en main et s’en sortir. Si ce genre d’explication vient tout naturellement à l’esprit d’un leader, cette façon de penser est en réalité contre-productive et ignore les raisons sous-jacentes pour lesquelles les gens perdent leur passion pour ce qu’ils font (ou ne la trouvent jamais).
Pour comprendre où se situe le nœud du problème, il faut savoir que les humains ont besoin de se sentir motivés et de trouver un sens à ce qu’ils font. C’est biologique. De fait, une partie de notre cerveau appelée le système de récompense nous pousse naturellement à acquérir de nouvelles compétences et à entreprendre des tâches difficiles, mais riches de sens. Lorsque ce penchant est satisfait, nous recevons une décharge de dopamine – un neurotransmetteur lié à la motivation et au plaisir – qui renforce notre envie de nous engager dans ces activités. Et, quand notre système de récompense est activé, nous nous sentons plus motivés, déterminés et dynamiques. En d’autres termes, plus vivants (lire aussi la chronique : « Vous voulez retrouver de la motivation ? Appliquez le secret du Président Coolidge »).
Les organisations privent les individus de leur potentiel
Explorer, expérimenter, apprendre – c’est ainsi que nous sommes censés vivre et travailler. Le problème, cependant, est que trop d’individus se retrouvent privés de ces possibilités parce que la façon dont nos organisations fonctionnent s’y oppose. Prenons l’exemple de Tom, un développeur Web que j’ai rencontré au cours d’une mission dans un cabinet comptable. Lorsqu’il a été embauché à sa sortie de l’université, il était excité parce qu’on lui avait dit qu’il aurait la possibilité d’apprendre des choses et de grandir. La lune de miel n’a cependant pas duré longtemps. « J’ai vite compris que mon superviseur n’avait ni le temps ni la patience d’expérimenter, m’a-t-il confié. Il se préoccupait plus de protocole que de développement personnel. C’est comme s’il avait peur que j’essaie de nouvelles choses parce que ça pourrait ne pas se passer exactement comme prévu. Ça ne me laisse pas beaucoup d’occasions d’apprendre. »
Au début, Tom ne s’est pas découragé. Il s’est employé à améliorer certains processus et a tenté d’injecter un peu de sa personnalité dans son travail. Mais comme sa supérieure hiérarchique était sous pression pour qu’un certain nombre d’indicateurs Web soient au vert et se montrait inflexible, il n’avait aucune occasion de mettre ses idées en œuvre. Les semaines se transformant en mois et son travail devenant routinier et ennuyeux, Tom a fini par se désinvestir de ce labeur.
Notre inconscient sait quand notre potentiel est gaspillé
Un comportement dont on ne saurait le blâmer étant donné qu’il n’a fait que réagir de la façon dont nous sommes tous « conçus » pour le faire. Le désengagement est un moyen pour notre corps de nous dire que nous perdons notre temps. Qu’il nous faut explorer et apprendre. C’est ainsi que nous sommes câblés – notre inconscient adaptatif sait que notre potentiel humain est gaspillé.
La clé pour les dirigeants est d’arriver à activer le système de récompense de leurs subordonnés (lire aussi l’article : « Le cerveau au travail »). Mais comment faire ? Si vous êtes comme la manager de Tom, il est fort probable que vous vous retrouviez en butte à des blocages organisationnels, qu’en majorité vous ne contrôlez sans doute pas. On peut rarement ignorer l’existence de métriques liées à la performance ou avoir le dessus sur la bureaucratie et les règlements internes.
Malgré ces difficultés, les managers peuvent activer les systèmes de récompense de leurs subordonnés sans avoir à refondre en profondeur les politiques et la culture de l’entreprise. Mon expérience de travail avec des dirigeants du monde entier m’a aussi montré qu’il est possible d’atteindre ses objectifs commerciaux tout en améliorant la vie de ses employés. Vous disposez de trois petits, mais efficaces coups de pouce capables de mettre en branle leur système de récompense : l’encouragement à faire usage de leurs points forts, la création d’occasions d’expérimenter et l’aide à la personnalisation de leur travail.
Expression de soi
Cela fait des millénaires que les philosophes nous disent que les gens sont habités par le désir inné de montrer aux autres qui ils sont vraiment, cependant que la vie en entreprise va souvent à l’encontre de ce ressort profondément humain. Même aujourd’hui, alors que nous vantons les vertus de la créativité et de l’innovation, les intitulés bureaucratiques ainsi que les définitions rigides de postes perdurent, tout comme les systèmes d’évaluation standardisés qui génèrent de l’anxiété en étouffant enthousiasme et désir d’expression de soi.
Aucun de nous ne peut se contenter de répéter à l’infini des comportements préprogrammés. Nous aspirons à faire usage de nos compétences et de nos points de vue uniques pour décider de la meilleure façon d’aider nos équipes à réussir. Le fait d’inviter les gens à réfléchir à leurs atouts active leur système de récompense. En outre, les études montrent que lorsque l’on identifie et utilise ses points forts, on se sent plus vivant.
Les dirigeants peuvent aider leurs subordonnés à donner le meilleur d’eux-mêmes sans changer le cadre de leur travail. Par exemple, dans une étude que j’ai menée avec des collègues, nous avons constaté que le fait de demander aux nouvelles recrues d’écrire et de partager des épisodes durant lesquels ils avaient brillé leur permettait de se sentir plus à l’aise d’être eux-mêmes parmi leurs collègues tout en valorisant leurs points forts. Les résultats ont aussi montré que les employés accueillis ainsi répondaient mieux aux attentes de leurs clients et étaient beaucoup moins susceptibles de démissionner par la suite.
Les employés veulent être appréciés pour les compétences et les perspectives uniques qu’ils apportent, et plus vous pouvez renforcer cela et leur rappeler leur rôle dans l’entreprise, mieux ce sera. Toutes choses qui peuvent se faire facilement. Chez Make-A-Wish et Novant Health, par exemple, les dirigeants ont encouragé les employés à définir eux-mêmes leurs intitulés de poste, ce qui les a incité à mettre en valeur leur contribution singulière à l’équipe.
Expérimentation
Une deuxième façon d’activer le système de récompense des individus est de créer une “zone sécurisée” d’expérimentation incluant des jeux et un lien social bienveillant. Non seulement le jeu stimule ce système, mais il refoule aussi l’anxiété et la peur.
Les émotions positives sont importantes en soi, bien sûr, et jouer est plaisant, mais cela va au-delà de ça. Des zones sécurisées d’expérimentation font naître des motivations intrinsèques qui sont beaucoup plus puissantes que les motivations extrinsèques parce qu’elles libèrent la créativité. Les entreprises deviennent d’autant plus agiles qu’elles encouragent leurs employés à imaginer de nouvelles approches, à les tester puis à analyser la manière dont l’environnement a réagi à leurs idées.
Les études montrent clairement qu’il est préférable de présenter le changement et l’innovation comme une occasion d’expérimenter et d’apprendre plutôt que comme le moyen d’accroître ses performances, ce qui rend les gens anxieux, peu disposés à prendre des risques et moins enclins à persister dans la difficulté. Ainsi, les employés d’une usine de fabrication d’équipements électroménagers en Italie se sont initiés aux principes de la production lean en jouant avec des Legos plutôt qu’avec des plaques de cuisson. Puis ils ont modifié leur ligne de production en s’appuyant sur ce qu’ils avaient appris. En deux semaines, l’équipe responsable de la production s’était approprié cette nouvelle méthode tout en réduisant de 30% les défauts internes et en augmentant sa productivité de 25%.
Mission
Pas besoin de vouloir éradiquer des maladies ou rendre le monde meilleur pour se sentir investi d’une mission. Pour cela, il suffit de percevoir clairement les effets de sa propre contribution sur les résultats d’une équipe, par exemple lorsque nous pouvons éclairer celle-ci sur l’environnement et suggérer des solutions plus efficaces. De même, nous nous sentons utiles quand nous constatons que nos contributions aident d’autres personnes et permettent à l’équipe de progresser.
Ainsi, lorsque des managers ont convié des étudiants boursiers à venir remercier les collecteurs de fonds d’un centre d’appels pour l’argent recueilli en leur faveur, ces derniers sont par la suite devenus plus opiniâtres et ont placé beaucoup plus d’appels durant leur temps de travail. De plus, parce qu’ils s’étaient davantage encore investis dans leur tâche, les montants collectés par ceux ayant échangé avec un boursier sont passés en moyenne de 2459,44 dollars (2120 euros) à 9 704,58 dollars (8366 euros).
N’oubliez pas, cependant, qu’instiller un sens de la mission ne fonctionne pas dans le cadre d’un événement unique. Cela ne peut pas se résumer à un discours de cadres dirigeants expliquant lors d’une assemblée générale du personnel comment leurs produits aident les clients. Le sens de la mission sera d’autant plus intériorisé que les gens auront l’occasion d’interagir directement avec les personnes que leur travail affecte.
Les employés de Microsoft sont ainsi encouragés à passer du temps avec leurs clients, à les écouter exposer leurs problèmes et leurs questions. C’est le cas de ce directeur de clientèle qui a passé une semaine sur le terrain avec des agents de police pour essayer de comprendre où et quand l’accès à des données à distance pouvait les aider dans leur travail, ou de cet autre directeur qui a passé deux jours dans un hôpital pour comprendre ce que signifierait vraiment le fait de ne plus utiliser de support papier.
Il ne faut pas grand-chose pour réveiller notre système de récompense. Pour les dirigeants, l’avantage est que le potentiel est déjà là, sous la surface. Et pas besoin d’user de charme ni de discours de motivation pour puiser dans cette énergie – il suffit d’un effort concerté pour insuffler l’expression de soi, le désir d’expérimentation et un objectif qui nous est propre dans tout ce que nous faisons.