Innover dans les PME grâce à l’intelligence collective

Les six leviers à actionner pour innover dans les PME grâce à l’intelligence collective.

L’innovation peut prendre différentes formes en entreprise : de produit (bien ou service), de procédé, de commercialisation ou encore organisationnelle. Depuis quelques années, elle se trouve également au cœur de l’actualité des politiques publiques qui ont renforcé les dispositifs de soutien notamment en faveur des PME : d’une part, un crédit impôt innovation (CII) réservé à ce type de structure a été mis en place, et d’autre part, les aides directes allouées par Bpifrance et les régions ont été développées.

En dépit de la multiplication des mesures incitatives visant à encourager l’innovation, les PME continuent néanmoins de se heurter à des obstacles pour accéder à des financements publics. Dès lors, les dirigeants ne possèdent pas toujours les moyens nécessaires pour investir dans la recherche et le développement (R&D) et innover ensuite. Pour pallier ces difficultés, ces acteurs doivent tirer profit de l’intelligence collective. Pierre Levy, philosophe et sociologue, la définissait en 1994 comme une intelligence qui est « distribuée, sans cesse valorisée, coordonnée en temps réel, qui aboutit à une mobilisation effective des compétences ». Alors comment innover grâce à cette intelligence collective ? Nous avons identifié six leviers, sur la base d’une étude menée entre 2015 et 2018 auprès de PME françaises.

1. Donner du sens au projet d’innovation

Donner du sens au projet d’innovation est l’une des clés : il s’agit de partager sa vision dès le début. « Pourquoi » se lancer ? L’enjeu du projet et sa cohérence avec la stratégie nécessitent d’être clairement explicités afin de susciter l’adhésion du plus grand nombre. Pour s’engager dans une démarche d’innovation, il est primordial que les salariés entrevoient les bénéfices qu’ils sont susceptibles d’en retirer à titre personnel.

Plus concrètement, il ne s’agit pas de faire un grand discours, mais de les éclairer sur les raisons et la portée de ce projet. Laisser la parole aux salariés et les solliciter sur des points précis en raison de leur expertise permet de les impliquer dès l’émergence du projet. Organiser des ateliers de réflexion afin d’enrôler un maximum de collaborateurs est une piste. Encore une fois, le sens doit être au cœur des actions : pourquoi ces ateliers de réflexion, pourquoi faire participer les salariés ? L’objectif est de susciter l’auto-motivation, c’est-à-dire leur capacité à se motiver eux-mêmes.

2. Coconstruire une culture propice aux échanges

Le développement d’une culture propice aux échanges doit reposer sur des facteurs organisationnels tels que l’histoire de l’entreprise, ses valeurs, ou encore le contexte économique dans lequel elle évolue. Cette culture requiert d’être coconstruite par l’ensemble des acteurs, de manière à renforcer leur engagement. Il peut s’agir, par exemple, d’une réflexion menée par un groupe de salariés visant à identifier les spécificités de la culture de l’entreprise. Ensuite, il convient d’évoquer les évolutions envisageables pour maintenir un bien-vivre ensemble, qui constitue un contexte propice aux échanges. Autrement dit, il est nécessaire de coconstruire un contexte favorable reposant sur les initiatives des salariés. Celles-ci peuvent être relayées par les membres de l’encadrement intermédiaire. Le dirigeant se doit de les responsabiliser et d’accroître leur autonomie pour qu’ils deviennent, à leur tour, acteurs de cette coconstruction.

3. Susciter l’engagement des collaborateurs

Rappelons que l’engagement des collaborateurs en matière d’innovation est facilité lorsque celle-ci s’inscrit dans une approche bottom-up. En d’autres termes, lorsque l’innovation part des salariés. Il appartient donc aux dirigeants d’encourager la collaboration verticale et horizontale entre les acteurs. Aussi, ils sont invités à lever tout obstacle à cette forme d’échange, tant sur le plan organisationnel que relationnel, afin de ne pas risquer d’amoindrir les capacités d’innovation des membres de l’organisation. Dans cette optique, nous leur conseillons de susciter davantage la prise d’initiatives des collaborateurs en créant, par exemple, des espaces de liberté qui leur permettraient de prendre conscience de la confiance accordée. A titre d’exemple, ces derniers peuvent prendre la forme d’un ilot, situé au cœur de l’atelier de production, qui est dédié à l’expérimentation de nouvelles idées et au bricolage.

4. Détecter et enrôler les acteurs clés

Les acteurs clés sont des individus qui s’investissent au profit d’un collectif, et qui demeurent fortement impliqués dans le projet d’innovation. Le repérage des salariés susceptibles de jouer ce rôle s’effectue dès le recrutement où la place du savoir-être devient grandissante. A titre d’illustration, les dirigeants peuvent poser la question suivante : « pouvez-vous me parler d’un obstacle de taille rencontré par l’un de vos anciens collègues dans le cadre de son travail ? De quelle manière lui êtes-vous venu en aide afin de le contourner ? ». Nous leur recommandons également d’inviter les candidats présélectionnés à partager un moment de convivialité au sein de l’organisation afin d’identifier leur capacité à s’intégrer et à adhérer à la culture de l’entreprise. Cela permet aussi de recueillir les impressions des salariés sur les candidats présélectionnés, et ainsi, ces derniers adhéreront davantage à la venue de la nouvelle recrue.

En interne, il s’agit de repérer des salariés ayant un profil orienté vers la collaboration. Ces acteurs n’hésitent pas à partager une idée ou à venir en aide à un collègue en difficulté, même si cela dépasse le cadre de leur travail quotidien. En outre, il importe de fidéliser ces derniers qui constituent un maillon indispensable à la cohésion et à la culture de l’organisation. Leur départ peut causer un préjudice à l’entreprise en remettant en cause l’équilibre établi. En ce sens, la liberté accordée et le respect du principe d’équité font partie des ingrédients indispensables à leur bien-être.

5. Prendre conscience des frustrations de chacun

Il convient d’être vigilant à l’éventuelle détérioration des relations unissant le dirigeant aux collaborateurs et attentif aux différents signes trahissant de possibles frustrations, tels qu’un refus de rendre ponctuellement des services ou une régulation des efforts habituellement fournis. Pour autant, la détérioration des liens sociaux est parfois susceptible de produire des effets positifs dans la mesure où elle génère une prise de conscience chez les dirigeants. En effet, ces derniers peuvent choisir de faire évoluer certaines pratiques afin d’améliorer les relations entre les membres de l’entreprise.

La formation et le soutien pourraient être anticipés pour venir en aide aux collaborateurs. Autrement dit, il s’agit de donner les ressources nécessaires à ces derniers afin de faciliter leur appropriation de l’innovation et de limiter les risques d’épuisement. La mise en place de feedback est d’ailleurs souhaitable pour gommer toute forme de frustration. Les dirigeants peuvent également « surprendre » leurs subordonnés en train de bien faire et les féliciter. Les compliments adressés nécessitent de porter sur le comportement, les actions et non sur la personne. L’objectif est de les encourager à poursuivre leurs efforts et à s’améliorer.

6. Créer une collaboration vertueuse

Prendre du temps pour capitaliser sur l’expérience vécue en matière d’innovation est essentiel. Ces bilans qualitatifs peuvent être menés sous forme d’échanges formels en réunion d’équipe. Plus précisément, il convient de réunir les membres ayant participé au projet d’innovation après la phase de clôture afin que chacun puisse s’exprimer quel que soit le niveau hiérarchique. L’objectif est d’observer les effets de l’innovation menée sur les relations interpersonnelles et d’évacuer les frustrations engendrées par celle-ci. Toutefois, un excès de formalisme et d’organisation peut se révéler fortement contre-productif et enfermant pour les membres de l’entreprise. Par conséquent, les dirigeants doivent accepter de ne pas tout structurer dans les moindres détails. A titre d’exemple, le dirigeant peut aménager un espace dédié aux relations et à la créativité avec des tableaux blancs et des post-its à disposition. Il serait même opportun de demander aux salariés d’agencer eux-mêmes cette salle et d’en choisir la décoration afin de mieux s’approprier les lieux. Nous préconisons aux dirigeants de PME de prévoir davantage de moments de convivialité dans l’optique de renforcer les affinités créées et de nourrir les liens sociaux unissant les acteurs.

Vers un management des salariés par les… salariés. Mais que fait le manager ?

La révolution numérique et les nouvelles méthodes de management transforment nos entreprises en profondeur. Conséquences : les salariés prennent leur destin en main et le management devient plus horizontal. Mais cela ne se fait pas sans poser de nombreuses questions.

Le fait que les salariés acquierent de plus en plus d’autonomie peut-il jouer positivement sur leur productivité ? Oui, à condition d’accompagner ce mouvement plutôt que le subir !

Nous sommes entrés dans une nouvelle ère du management. L’idée est de laisser de l’autonomie aux salariés, de les responsabiliser, de leur permettre de s’exprimer. En accordant de la confiance, on attend plus de créativité et d’engagement. Ce management plus horizontal est certes à la mode mais est-il une véritable solution miracle ?

On peut d’abord répondre à cette question par la négative. Pour de nombreuses entreprises marquées par des années voire des décennies de management top/down, la transition est complexe. Elle s’avère pourtant nécessaire dans un contexte de profonds changements sur le marché du travail.

Il s’agit aujourd’hui d’accompagner le mouvement vers un management horizontal et de pousser la logique de l’autonomie jusqu’au bout. Jusqu’où ? Jusqu’à la responsabilisation, « l’empowerment » de tous ! Il faut se doter d’une stratégie pour que les équipes expriment vraiment leur potentiel et CHOISISSENT les conditions qui les feront mieux travailler. C’est le rôle du manager aujourd’hui de faire en sorte que les collaborateurs aient toutes les cartes en main pour réussir. Et la question est : comment tirer le meilleur de mes équipes ?

Et si on faisait du management par projet

Le management par projets est de plus en plus répandu, et cela colle parfaitement avec la logique de la responsabilisation : tout le monde est concerné et a une valeur à apporter. Désormais, les salariés ne travaillent plus dans leur coin et ne sont pas limités à une seule tâche. Cela peut créer de la confusion voire des points de friction si les cadres ne sont pas correctement fixés… Comment ? En suivant cette approche : un objectif clair et atteignable est fixé et doit être réalisé avant une date limite, peu importe le nombre d’heures qui y sont consacrées. Le salarié est laissé libre dans la gestion de son effort, mais il doit apporter un résultat !

Une logique qui se révèle efficace mais qui n’a pas fini de transformer nos modes de travail. Car en poussant le raisonnement jusqu’à ses dernières conséquences, certaines entreprises ont décidé de prendre en compte le fait que chaque employé n’est pas productif au même moment. Certains sont énergiques et motivés dès le matin tandis que d’autres trouvent les meilleures conditions de travail dans le calme du soir. Elles ont donc décidé d’autoriser leurs collaborateurs à travailler selon des horaires qui leur conviennent.

Un choix qui peut se révéler gagnant mais qui a également ses limites. Pour que la logique de l’autonomie puisse s’appliquer réellement et porter ses fruits en matière de productivité, il est aussi nécessaire qu’une synchronisation minimale puisse se faire pour collaborer efficacement.

Choisir collectivement les outils les mieux adaptés aux nouveaux modes de travail

Pour être vraiment gagnante, l’autonomie des salariés doit également s’accompagner d’une réelle capacité de choix quant à leurs méthodes et outils de travail. Dans un contexte transformé par la digitalisation, l’augmentation de la productivité dépend de plus en plus de l’adoption d’outils techniques performants et adaptés aux besoins des équipes qui les utilisent.

Les outils de collaboration comme Slack ou Teams notamment ont radicalement changé la façon dont les membres d’une équipe échangent et gèrent leurs tâches communes. Puisque ces outils sont devenus si importants pour le bien-être et la productivité de tous, ils doivent faire l’objet d’une réflexion continue de la part du manager.

Pourtant, pour s’assurer que ces outils remplissent bien leur fonction et facilitent le travail de chacun, il est également judicieux d’impliquer tous les utilisateurs finaux dans le choix des nouvelles solutions et l’évaluation de leur impact. En tant qu’utilisateurs, les salariés connaissent leurs besoins et adoptent plus facilement un outil s’ils jouent un rôle dans son choix.

Veiller au bien-être de tous

De nombreuses études l’ont montré, les employés heureux sont plus productifs que les autres. Si les entreprises n’ont aucune obligation légale d’assurer le bonheur de leurs collaborateurs, elles impactent cependant fortement leur bien-être. Dans ce cadre, quel management est le mieux adapté ?

Alors que les stratégies de micro-management ont tendance à perdre de leur impact voire à disparaître, la prise en compte du bien-être des collaborateurs se révèle être un nouveau levier de performance en plus d’une préoccupation éthique. Prêter attention à leur cadre de travail, entretenir une ambiance de travail positive, célébrer les événements du quotidien (anniversaires, etc.) et être à l’écoute des besoins de chacun grâce à des enquêtes de satisfaction régulières sont donc des choix stratégiques. L’apparition du rôle de « Chief Happiness Officer » au sein des directions des ressources humaines est emblématique de cette tendance.

Laisser de plus en plus d’autonomie aux salariés s’est imposé comme modèle de management. Pour ne pas subir cette tendance mais en bénéficier réellement, il faut pousser le concept jusqu’au bout et donner aux salariés une authentique liberté de choix. Aménagement des horaires de travail, sélection des outils, attention aux conditions de travail et au bien-être… Tous ces éléments participent désormais d’une appropriation par les collaborateurs de la question de leur productivité. En matière d’autonomie, il n’y a pas de demi-mesure !

Un CRM fait-il vraiment gagner du temps ?

Rationaliser les process, automatiser certaines relances commerciales, faciliter l’accès à l’information : on retrouve là des bénéfices apportés par le CRM, forcément du gain de temps et par conséquent des gisements de performance pour l’entreprise. Mais sa mise en place peut prendre du temps.

Toujours dans la lignée de notre grande saga dédiée au CRM, voici un nouveau chapitre dédié au temps gagné grâce au CRM.

Petit récapitulatif pour le cheminement du choix d’un CRM :

Concentrons nous maintenant sur les étapes qui permettront de gagner du temps lors du déploiement.

L’enjeu pour l’entreprise va donc consister à réduire au maximum ce délai afin d’être performante le plus rapidement possible. Alors comment faire ? Si on ne peut pas annoncer un temps moyen de mise en place, car tout dépend de la taille de l’entreprise et des fonctionnalités retenues, 7 bonnes pratiques permettent tout de même de mettre toutes les chances de son côté. Explications.

1. Mobiliser les ressources nécessaires

Première clé : ne pas s’enliser, imposer une dynamique et s’inscrire dans une logique de conduite du changement. Il est donc préférable d’évaluer a priori le temps et les ressources nécessaires et d’accepter de les mobiliser pour la phase de mise en place. Plus le dirigeant anticipe ce qu’il faut allouer pour cette étape, plus vite celle-ci sera effective.

2. Prévoir une brique formation et une brique accompagnement

A l’installation de l’outil, on va bien évidemment prévoir des sessions de formation initiales pour la prise en main. Celles-ci peuvent se faire en groupe. Mais ce format, s’il est maintenu dans le temps, amène souvent à une érosion du taux d’utilisation du CRM. L’expérience montre qu’un process d’accompagnement en one-to-one facilite la mobilisation des utilisateurs. Avec une approche individuelle, sur des séances courtes de 30 minutes, il est plus facile de maintenir une bonne dynamique.

3. Désigner un responsable / référent CRM

Un commercial avec des difficultés récurrentes ou qui au bout de quelques jours n’aurait pas de réponse à ses questions aura du mal à s’approprier l’outil. La solution consiste à réduire les frictions avec un référent capable d’accompagner les équipes dans la conduite du changement. Le chef de projet CRM devient une ressource dédiée et fait en sorte que les utilisateurs soient toujours dans une dynamique de progression.

4. Aménager les agendas

Les dirigeants doivent penser à aménager les agendas et expliquer aux utilisateurs que sur une période donnée la priorité va au CRM. On peut identifier les tâches non urgentes, les réduire par exemple de 50 % pour une période donnée, et dédier le temps ainsi gagné pour l’apprentissage et l’utilisation du CRM.

5. Donner l’exemple

Le manager ou le directeur commercial doit bien évidemment s’investir de la même manière que les équipes ! C’est à lui aussi de montrer que l’outil devient incontournable et son utilisation non-négociable. Si lors d’une réunion il vient avec son fichier Excel habituel de suivi, il n’envoie pas le bon signal !

6. Déployer par étape

Séquencer l’utilisation pour laisser du temps aux équipes est une option qui a fait ses preuves. On peut par exemple commencer par déployer le CRM auprès des commerciaux grands comptes sur le premier mois, puis ensuite auprès des équipes sédentaires.

Il est également possible de séquencer par zones géographiques (le sud-est, puis le centre, puis…) ou même par équipes commerciales. Finalement, chaque entreprise pourra choisir son critère de séquencement en fonction de ses propres caractéristiques.

7. Choisir la bonne période

Afin d’optimiser le temps d’appropriation, il faudra bien sûr prendre en compte le cycle de l’entreprise. Pour celles qui ont une activité saisonnière, la mise en place se fera plutôt en période creuse. Un CRM sera également plus simple à intégrer s’il intervient à un moment clé, comme une réorganisation, un rachat, une création. C’est intéressant de profiter d’une phase de changement. Un directeur commercial qui, par exemple, souhaite restructurer ses équipes pourra plus facilement intégrer le CRM dans la dynamique de changement.

Si, in fine, ce qui prime c’est que le CRM devienne une routine pour les équipes, dans la phase d’appropriation l’attention doit se porter sur la progression de la courbe d’utilisation. En général, on constate un kick off au démarrage, la nouveauté encourageant l’utilisation. Mais il faut ensuite vérifier que la courbe ne descend pas. Si c’est le cas, il y a alors un problème qu’il faut gérer : équipes mal formées, solution inadaptée… ou peut-être tout simplement une organisation interne qui n’est pas compatible avec un CRM. Comment se structurer pour avoir un CRM ? Un sujet abordé dans notre prochain article.

L’engagement : l’alpha et l’omega du management

Les salariés sont de moins en moins engagés et les entreprises ont du mal à redonner du sens à leurs missions. Lors d’une conférence organisée par le groupe Up, Emmanuelle Duez, fondatrice de The Boson Project, explique pourquoi et comment réenchanter le quotidien de ses équipes.

Les entreprises évoluent dans un monde en constante mutation et de nombreux facteurs les contraignent à envisager des changements drastiques dans les décennies à venir. Pour se révolutionner, elles doivent s’appuyer sur l’engagement de leurs salariés. Or, toutes les études montrent que le taux d’engagement actuel en France est très faible : selon le dernier rapport de l’institut Gallup, seulement 6% des collaborateurs se disent engagés.

Reste à savoir ce que signifie réellement le mot « engagé ». « Pour moi, c’est donner du sens à ses valeurs « , affirme Emmanuelle Duez, fondatrice de The Boson Project, lors d’une conférence organisée par le groupe Up sur le thème de l’engagement.

Mais pourquoi la question de l’engagement se pose-t-elle de façon aussi aigüe aujourd’hui ? « Parce que nous sommes dans un changement magistral de société« , explique Emmanuelle Duez. L’éventualité d’une société sans croissance, l’accélération démographique, des générations qui changent plus vite et sont moins homogènes amènent les entreprises à se remettre en question. Surtout, elles doivent faire face à « une transformation anthropologique : les Hommes ont changé leur rapport au temps et à l’autorité. Ils ont aussi changé leurs valeurs. Cela impacte donc les organisations« , poursuit-elle.

Les entreprises doivent donc explorer le thème de l’engagement pour réussir à mener les changements nécessaires pour rester en phase avec leur époque. Selon la fondatrice de The Boson Project, 90% des entreprises estiment devoir changer leurs pratiques dans les 30 ans à venir, quand 90% des salariés s’estiment désengagés. Or le désengagement coûte cher. Des collaborateurs motivés permettraient de réduire de 37% l’absentéisme et d’augmenter de 22% la profitabilité, affirme l’entrepreneuse.

Quels comportements favorisent l’engagement ?

L’engagement est de plus en plus compliqué, notamment dans les structures de taille moyenne (50 à 500 personnes) et chez les moins de trente ans. « Les méthodes d’incentive d’hier ne fonctionnent plus : la jeune génération ne s’engage pas si on lui promet un iPad« , prône Emmanuelle Duez.

Si chaque génération a passé un contrat psychologique différent avec l’entreprise en échange de son engagement – la stabilité matérielle pour les baby boomers, l’employabilité pour la génération X, le sens pour la génération Y – tous cherchent à s’épanouir dans l’entreprise. Dès lors, comment y parvenir ? « Cela passe par le sens, la reconnaissance, la transparence et la confiance, affirme Emmanuelle Duez. Certes, ce sont les bases de la littérature managériale de ces 50 dernières années, mais elles n’ont jamais vraiment été mises en oeuvre« .

Ici, le sens représente le sens de la mission du salarié : « à quoi je sers ? Comment puis-je m’approprier le sens de l’entreprise pour le faire mien ? Qu’est-ce que cela dit de moi de travailler dans cette entreprise ? « , résume-t-elle.

La reconnaissance, elle, a peu à voir avec la reconnaissance monétaire, mais plus avec la reconnaissance immatérielle du travail de ses équipes. Il faut savoir remercier et valider les prises de risque des collaborateurs. Pour un manager, montrer ses faiblesses aide aussi les autres à s’engager : « dire ‘j’ai besoin de vous, je me suis planté mais ça va aller’, c’est ce qu’attendent les salariés aujourd’hui « , juge Emmanuelle Duez.

La transparence, elle, correspond à la symétrie des attentions. Les salariés peuvent être les premiers ambassadeurs de l’entreprise, en témoignant que les valeurs véhiculées sont réellement appliquées, tout comme ils peuvent en être les premiers détracteurs, jusqu’aux lanceurs d’alerte, si l’entreprise n’aligne pas discours et réalité. L’engagement n’est donc possible que si l’entreprise fait ce qu’elle dit.

Quant à la confiance, elle doit, selon la fondatrice de The Boson Project, subir un changement de paradigme : « avant, on contrôlait avant d’accorder sa confiance. Désormais, il faut faire l’inverse, car l’entreprise recrute des personnes qui savent des choses que leurs supérieurs ne savent pas. Il faut donc savoir lâcher prise, mais aussi prendre conscience que le delta d’erreur devient plus important« , développe Emmanuelle Duez.

Quel manager pour favoriser l’engagement ?

« Nous pensons que le talent de demain, c’est le manager, assure la fondatrice de The Boson Project. Le manager au sens noble du terme, dont le temps est sacralisé pour être le gardien de l’engagement individuel et collectif « . Selon elle, pour mener à bien cette mission, il faudrait un manager pour quinze personnes. Elle explique ainsi avoir mené avec son entreprise et Mazav une étude dans 70 pays auprès de 7000 jeunes de moins de trente ans sur leurs attentes en matière de supérieur hiérarchique. Conclusion : ils attendent avant tout un « nice guy », quelqu’un de sympathique et aimable avec les équipes. C’est-à-dire quelqu’un capable non seulement de faire preuve d’empathie et de transparence, mais surtout de fragilité.

« Dans un monde si complexe, un seul homme ne peut pas dire ‘j’ai tout compris, faites-moi confiance, suivez-moi’« , explique Emmanuelle Duez. Au contraire, les équipes seraient davantage prêtes à suivre quelqu’un qui fait preuve d’humilité, qui reconnait ses erreurs, « qui reconnait que les superhéros n’existent pas « , et qui est capable de valoriser les compétences de ses équipes.

Comment les PME peuvent séduire les talents

C’est un fait, les PME rencontrent des difficultés pour recruter. Les raisons sont multiples : profils inadaptés, concurrence des grandes entreprises et manque d’attractivité. Pour embaucher la perle rare, il faut désormais changer de posture et séduire vos futures collaborateurs.

Jeudi 20 septembre, Muriel Pénicaud, ministre du Travail, se rend dans le Pôle Emploi du XXe arrondissement de Paris. L’objectif ? Aider les entreprises dans leurs process de recrutement, à travers notamment l’opération #VersUnMétier déployée par l’agence publique. Cette initiative vise à faire connaître aux chômeurs les métiers en tension au moyen d’ateliers, de « job dating » ou encore de visites d’entreprises.

L’une des raisons ? Les PME peinent de plus en plus à briller aux yeux des candidats. À travers la France, elles sont nombreuses à devoir composer avec des postes vacants. Selon l’enquête Bpifrance/Le Lab « Attirer les talents » dévoilée en janvier 2018, 83 % des PME et ETI avouent rencontrer des difficultés de recrutement. Pour 72 % d’entre elles, cela constitue même un frein à leur croissance. Près de la moitié (46 %) ont des difficultés de recrutement  » sérieuses « , c’est-à-dire fréquentes, avec un impact négatif réel sur le développement de leur chiffre d’affaires.

Mais qu’entend-on par « difficulté » ? « C’est de ne pas avoir assez de candidats, car 81 % des chefs d’entreprise signalent le manque de candidatures. Mais c’est aussi le fait d’avoir les mauvais candidats. Il y a une pénurie de compétences et l’absence d’un minimum de savoir-être, c’est-à-dire une motivation à rejoindre les PME », répond Philippe Mutricy, directeur de l’évaluation, des études et de la prospective de Bpifrance et président-fondateur de Bpifrance Le Lab.

Cette tendance touche tous les secteurs d’activité et tous les profils. Elle concerne aussi tous les niveaux de qualification, tous les postes, toutes les fonctions de l’entreprise. Les profils techniques sont particulièrement difficiles à recruter, mais aussi les profils commerciaux.

Bref, le mal est général et les raisons multiples. « Il y a des PME dont les métiers ne sont pas attractifs. Par exemple, le secteur de la mécanique plaira moins que celui des nouvelles technologies. Il y a aussi des entreprises qui sont basées dans des secteurs géographiques éloignés, ou celles dont les métiers ont disparu », énumère Éric Bothier, directeur associé fondateur du cabinet Axelyo, spécialiste du conseil en recrutement.

Un autre écueil est le niveau des salaires. Par ailleurs, une PME n’a pas les moyens, ni le pack social d’une ETI ou d’une grande entreprise. « Au final, toutes ces difficultés s’empilent. Et sur un marché tendu, les candidats regardent et comparent. Ils font leur benchmark », poursuit-elle.

La marque employeur, un concept efficace ?

La nouvelle génération qui entre sur le marché du travail impose ses codes, au risque parfois de se confronter avec les habitudes des PME. Elle n’a pas la même approche du travail que les générations précédentes et ses choix se portent souvent sur deux extrêmes : d’un côté, les grandes entreprises, de l’autre les start-up. Entre les deux, les PME doivent se battre pour exister. « Les jeunes diplômés préfèrent rejoindre les grands groupes, qui ont la puissance de la marque derrière eux. Sinon, ils se dirigent vers des start-up, c’est-à-dire une entreprise où on fonctionne à l’horizontal, en mode projet et où la hiérarchie est faible, justifie Philippe Mutricy. Cette façon de travailler, ils ne la retrouvent pas spontanément dans les PME qui évoluent selon des cultures managériales plus anciennes. »

Là où le bât blesse, c’est que la PME ne provoque pas d’imaginaire pour les nouvelles recrues. Le grand groupe séduit par son statut social ou la promesse financière qu’il dégage. La start-up, de son côté, par son innovation en termes de fonctionnement. Même la fonction publique est rapidement associée à la sécurité de l’emploi. Ce que la PME ne donne pas aux candidats de façon visible : une image de marque forte. « Le problème ne vient pas uniquement du côté des chercheurs d’emploi. Il vient aussi des PME qui doivent être plus attractives. Il existe plusieurs manières de répondre aux difficultés de recrutement, mais les dirigeants ont besoin d’une réponse efficace à court terme », ajoute pour sa part Élise Tissier, directrice du Lab de Bpifrance.

Une solution apparaît alors pour redorer l’image de la PME aux yeux des candidats : le concept de marque employeur. Ou comment affirmer son identité, repenser l’ADN même de l’entreprise dans le but de booster son attractivité. Dans un premier temps, il s’agit de travailler sur sa stratégie, de savoir se raconter. Quelle est la mission de l’entreprise ? Ses valeurs ? Ses objectifs ? Les dirigeants de start-up passent leurs journées à faire des pitchs. Les dirigeants de PME n’adoptent pas de façon innée cette culture de la mise en avant. Il s’agit donc de travailler sur le discours, quitte à se faire aider par une agence de communication. « Le travail sur la stratégie est un travail délicat à faire, car le chef d’entreprise est toujours dans le quotidien. Il est trop dans l’opérationnel et perd l’habitude de projeter son entreprise à 3 ou 5 ans, par exemple. S’il n’est pas en mesure de se projeter ainsi, il ne saura pas la raconter à un candidat, commente Élise Tissier. Or, les candidats ont besoin de sens. L’identification à un projet, c’est le ressort qui déclenche la motivation. »

Savoir parler de soi

L’entreprise doit mettre en avant ses atouts : son savoir-faire par exemple ou la possibilité d’évoluer. Il faut qu’elle montre que la PME, c’est aussi plus d’agilité et elle offre plus d’opportunités à quelqu’un qui a de la motivation. La marque employeur nécessite une démarche structurée, qui débouche sur la mise en place d’un ensemble d’actions RH cohérentes, concrètes… et peu onéreuses. Elles peuvent s’appuyer sur le bien-être au travail, les évolutions de carrière, la dynamique de croissance de l’entreprise, la qualité du management, etc.À l’entreprise d’être imaginative. « Par exemple, elle peut proposer une adhésion à une salle de sport, faciliter l’accès au logement ou encore avoir accès à un comité d’entreprise extérieur, propose Éric Bothier. Pour cela, elle peut mutualiser les ressources extérieures avec d’autres entreprises. Elle peut aussi jouer sur les horaires de travail, sur les primes personnelles ou sur les formations. Il s’agit d’être dans l’accompagnement de ses futurs collaborateurs. »

Affiner sa marque, affiner son identité

Chaque démarche de marque employeur est unique, en raison de la singularité de l’entreprise et des enjeux qui lui sont propres. Il n’existe pas une démarche générique. À chaque dirigeant de trouver ce qui distinguera son entreprise des autres. Affiner sa marque employeur, c’est en quelque sorte affirmer son identité, soit un élément-clé pour faire la différence auprès des candidats.

C’est d’ailleurs cet aspect qu’Alphadio Olory-Togbé, dirigeant de l’entreprise Lavoir Moderne, soigne tout particulièrement. Son entreprise se propose de réinventer le métier de pressing, en industrialisant l’entretien des vêtements des particuliers. Créée en 2014, elle a vu son effectif bondir en même temps que sa croissance. Actuellement, 50 salariés équivalent temps plein travaillent pour Lavoir Moderne. D’ici la fin de l’année, avec l’ouverture d’un 2 ème centre de production de 3 000 m2, ils seront 80. Et que dire de 2019, où un 3 ème centre de production de 15 000 m2 verra le jour… Pour répondre à ces besoins de recrutement, le dirigeant a d’emblée fait appel à un cabinet spécialisé.

Pourquoi ? Pour confier à un spécialiste la recherche de la bonne personnalité, celle qui collera avec l’univers du Lavoir Moderne. « Nous recherchons des professionnels qui, au-delà d’être des experts de leur métier, sont compatibles avec l’esprit d’entreprise, confirme Alphadio Olory-Togbé. Pour une PME de notre taille, ce qui fait son succès ou son échec, c’est avant tout l’équipe. » C’est pourquoi, le dirigeant fait une véritable analyse de chaque personnalité. Bien sûr, il reçoit les candidats sélectionnés par le cabinet, mais il s’adresse à eux comme s’ils étaient des investisseurs : « Nous leur vendons notre projet. Le but est de leur donner envie non pas de prendre un poste dans une entreprise, mais de prendre part à une aventure », affirme-t-il.

Se remettre en question

Travailler sur la marque employeur, c’est aussi soigner l’image de l’entreprise dès le premier jour de l’embauche. Ce jour-là, tout l’écosystème du candidat est prévenu, l’essor des nouvelles technologies et des réseaux contribuant à répandre l’expérience de son premier jour. Deux cas de figure se présentent alors : celui où une image positive sera diffusée, celui où rien ne sera pardonné. « Il faut faire attention aux petits détails qui permettent de bien accueillir un nouveau salarié. Il fera rapidement savoir s’il se sent entouré ou livré à lui-même », souligne Philippe Mutricy.

Au Lavoir Moderne, les nouvelles recrues suivent un parcours d’intégration. Elles y découvrent toute les fonctions de l’entreprise, quel que soit le poste : production, distribution… Le responsable de la R&D fraîchement recruté est même allé livrer chez des particuliers ! À l’usine, il a travaillé sur les robots de repassage de chemise et de draps. « Cela permet de nouer des contacts et de comprendre les différents métiers des collaborateurs », glisse le dirigeant.

En somme, pour attirer les talents, la PME doit savoir remettre en question ses pratiques, son organisation ou encore ses méthodes de travail. Enfin, il faut savoir que la marque employeur cible certes les candidats potentiels dans un premier temps, mais elle touche aussi les collaborateurs de l’entreprise dans un second temps. Les finalités d’une démarche de marque employeur sont en effet plus nombreuses qu’il n’y paraît.

Il s’agit de se faire connaître pour attirer de bons candidats et hauts potentiels, d’augmenter le volume de candidatures pertinentes et de qualité. C’est aussi fidéliser les équipes et accroître le sentiment d’appartenance. In fine, elle aide les salariés à intégrer les valeurs et la culture de l’entreprise. « Il s’agit de créer un sentiment de fierté en interne, qui permet de jouer sur un nouvel engagement des collaborateurs. Ce qui n’est jamais neutre pour un chef d’entreprise », promet Élise Tissier.

Vos équipes peuvent devenir elles-mêmes des ambassadeurs de l’entreprise auprès du monde extérieur. À travers sa marque employeur, le dirigeant formule en quelque sort une promesse pour favoriser l’attractivité, l’engagement et la fidélité.