Innover dans les PME grâce à l’intelligence collective
Les six leviers à actionner pour innover dans les PME grâce à l’intelligence collective.
L’innovation peut prendre différentes formes en entreprise : de produit (bien ou service), de procédé, de commercialisation ou encore organisationnelle. Depuis quelques années, elle se trouve également au cœur de l’actualité des politiques publiques qui ont renforcé les dispositifs de soutien notamment en faveur des PME : d’une part, un crédit impôt innovation (CII) réservé à ce type de structure a été mis en place, et d’autre part, les aides directes allouées par Bpifrance et les régions ont été développées.
En dépit de la multiplication des mesures incitatives visant à encourager l’innovation, les PME continuent néanmoins de se heurter à des obstacles pour accéder à des financements publics. Dès lors, les dirigeants ne possèdent pas toujours les moyens nécessaires pour investir dans la recherche et le développement (R&D) et innover ensuite. Pour pallier ces difficultés, ces acteurs doivent tirer profit de l’intelligence collective. Pierre Levy, philosophe et sociologue, la définissait en 1994 comme une intelligence qui est « distribuée, sans cesse valorisée, coordonnée en temps réel, qui aboutit à une mobilisation effective des compétences ». Alors comment innover grâce à cette intelligence collective ? Nous avons identifié six leviers, sur la base d’une étude menée entre 2015 et 2018 auprès de PME françaises.
1. Donner du sens au projet d’innovation
Donner du sens au projet d’innovation est l’une des clés : il s’agit de partager sa vision dès le début. « Pourquoi » se lancer ? L’enjeu du projet et sa cohérence avec la stratégie nécessitent d’être clairement explicités afin de susciter l’adhésion du plus grand nombre. Pour s’engager dans une démarche d’innovation, il est primordial que les salariés entrevoient les bénéfices qu’ils sont susceptibles d’en retirer à titre personnel.
Plus concrètement, il ne s’agit pas de faire un grand discours, mais de les éclairer sur les raisons et la portée de ce projet. Laisser la parole aux salariés et les solliciter sur des points précis en raison de leur expertise permet de les impliquer dès l’émergence du projet. Organiser des ateliers de réflexion afin d’enrôler un maximum de collaborateurs est une piste. Encore une fois, le sens doit être au cœur des actions : pourquoi ces ateliers de réflexion, pourquoi faire participer les salariés ? L’objectif est de susciter l’auto-motivation, c’est-à-dire leur capacité à se motiver eux-mêmes.
2. Coconstruire une culture propice aux échanges
Le développement d’une culture propice aux échanges doit reposer sur des facteurs organisationnels tels que l’histoire de l’entreprise, ses valeurs, ou encore le contexte économique dans lequel elle évolue. Cette culture requiert d’être coconstruite par l’ensemble des acteurs, de manière à renforcer leur engagement. Il peut s’agir, par exemple, d’une réflexion menée par un groupe de salariés visant à identifier les spécificités de la culture de l’entreprise. Ensuite, il convient d’évoquer les évolutions envisageables pour maintenir un bien-vivre ensemble, qui constitue un contexte propice aux échanges. Autrement dit, il est nécessaire de coconstruire un contexte favorable reposant sur les initiatives des salariés. Celles-ci peuvent être relayées par les membres de l’encadrement intermédiaire. Le dirigeant se doit de les responsabiliser et d’accroître leur autonomie pour qu’ils deviennent, à leur tour, acteurs de cette coconstruction.
3. Susciter l’engagement des collaborateurs
Rappelons que l’engagement des collaborateurs en matière d’innovation est facilité lorsque celle-ci s’inscrit dans une approche bottom-up. En d’autres termes, lorsque l’innovation part des salariés. Il appartient donc aux dirigeants d’encourager la collaboration verticale et horizontale entre les acteurs. Aussi, ils sont invités à lever tout obstacle à cette forme d’échange, tant sur le plan organisationnel que relationnel, afin de ne pas risquer d’amoindrir les capacités d’innovation des membres de l’organisation. Dans cette optique, nous leur conseillons de susciter davantage la prise d’initiatives des collaborateurs en créant, par exemple, des espaces de liberté qui leur permettraient de prendre conscience de la confiance accordée. A titre d’exemple, ces derniers peuvent prendre la forme d’un ilot, situé au cœur de l’atelier de production, qui est dédié à l’expérimentation de nouvelles idées et au bricolage.
4. Détecter et enrôler les acteurs clés
Les acteurs clés sont des individus qui s’investissent au profit d’un collectif, et qui demeurent fortement impliqués dans le projet d’innovation. Le repérage des salariés susceptibles de jouer ce rôle s’effectue dès le recrutement où la place du savoir-être devient grandissante. A titre d’illustration, les dirigeants peuvent poser la question suivante : « pouvez-vous me parler d’un obstacle de taille rencontré par l’un de vos anciens collègues dans le cadre de son travail ? De quelle manière lui êtes-vous venu en aide afin de le contourner ? ». Nous leur recommandons également d’inviter les candidats présélectionnés à partager un moment de convivialité au sein de l’organisation afin d’identifier leur capacité à s’intégrer et à adhérer à la culture de l’entreprise. Cela permet aussi de recueillir les impressions des salariés sur les candidats présélectionnés, et ainsi, ces derniers adhéreront davantage à la venue de la nouvelle recrue.
En interne, il s’agit de repérer des salariés ayant un profil orienté vers la collaboration. Ces acteurs n’hésitent pas à partager une idée ou à venir en aide à un collègue en difficulté, même si cela dépasse le cadre de leur travail quotidien. En outre, il importe de fidéliser ces derniers qui constituent un maillon indispensable à la cohésion et à la culture de l’organisation. Leur départ peut causer un préjudice à l’entreprise en remettant en cause l’équilibre établi. En ce sens, la liberté accordée et le respect du principe d’équité font partie des ingrédients indispensables à leur bien-être.
5. Prendre conscience des frustrations de chacun
Il convient d’être vigilant à l’éventuelle détérioration des relations unissant le dirigeant aux collaborateurs et attentif aux différents signes trahissant de possibles frustrations, tels qu’un refus de rendre ponctuellement des services ou une régulation des efforts habituellement fournis. Pour autant, la détérioration des liens sociaux est parfois susceptible de produire des effets positifs dans la mesure où elle génère une prise de conscience chez les dirigeants. En effet, ces derniers peuvent choisir de faire évoluer certaines pratiques afin d’améliorer les relations entre les membres de l’entreprise.
La formation et le soutien pourraient être anticipés pour venir en aide aux collaborateurs. Autrement dit, il s’agit de donner les ressources nécessaires à ces derniers afin de faciliter leur appropriation de l’innovation et de limiter les risques d’épuisement. La mise en place de feedback est d’ailleurs souhaitable pour gommer toute forme de frustration. Les dirigeants peuvent également « surprendre » leurs subordonnés en train de bien faire et les féliciter. Les compliments adressés nécessitent de porter sur le comportement, les actions et non sur la personne. L’objectif est de les encourager à poursuivre leurs efforts et à s’améliorer.
6. Créer une collaboration vertueuse
Prendre du temps pour capitaliser sur l’expérience vécue en matière d’innovation est essentiel. Ces bilans qualitatifs peuvent être menés sous forme d’échanges formels en réunion d’équipe. Plus précisément, il convient de réunir les membres ayant participé au projet d’innovation après la phase de clôture afin que chacun puisse s’exprimer quel que soit le niveau hiérarchique. L’objectif est d’observer les effets de l’innovation menée sur les relations interpersonnelles et d’évacuer les frustrations engendrées par celle-ci. Toutefois, un excès de formalisme et d’organisation peut se révéler fortement contre-productif et enfermant pour les membres de l’entreprise. Par conséquent, les dirigeants doivent accepter de ne pas tout structurer dans les moindres détails. A titre d’exemple, le dirigeant peut aménager un espace dédié aux relations et à la créativité avec des tableaux blancs et des post-its à disposition. Il serait même opportun de demander aux salariés d’agencer eux-mêmes cette salle et d’en choisir la décoration afin de mieux s’approprier les lieux. Nous préconisons aux dirigeants de PME de prévoir davantage de moments de convivialité dans l’optique de renforcer les affinités créées et de nourrir les liens sociaux unissant les acteurs.
Répondre
Se joindre à la discussion ?Vous êtes libre de contribuer !