De la diversité vient l’agilité.

diversité Virtus Management

Gérald Karsenti
President HPE France & VP, Global Sales EMEA
Janvier 2017

Tout dirigeant avisé se doit de s’entourer d’une équipe de talents diversifiés. C’est sans aucun doute une condition sine qua non au succès. Pour illustrer ce propos, je prends souvent le sport en référence, et le Rugby plus spécifiquement. Comme le disait le fondateur de Capgemini Serge Kampf : « Le plus beau des sports. Chacun y a son rôle, qui n’est pas exactement celui du voisin, mais chacun a besoin de l’autre, et l’essai marqué est toujours le fruit d’un long travail collectif ».

C’est ce que je fis il y a quelques semaines alors que j’intervenais devant une centaine de chefs d’entreprises en charge essentiellement de PME-PMI.

J’avais ouvert la discussion par une citation du truculent Daniel Herrero :

« J’ai longtemps arpenté les chemins d’Ovalie, le territoire sans frontières des amateurs de rugby. C’est un monde où l’on se rencontre plus qu’on ne se croise, et qui a tout d’une école de la vie. Les codes s’acquièrent au fil du temps, sur le pré, dans les vestiaires, au fond d’un bus ou dans un bistrot, à l’ombre d’une potence de bière devenue arbre à palabres. Il s’y raconte des légendes où s’affrontent les grands noms de notre Panthéon, il s’y vit des épopées où des émotions brutales et intenses tissent entre les hommes des liens indéfectibles. Près de deux siècles après la naissance du jeu dans l’Angleterre victorienne, novices et initiés partagent désormais une culture, faite de règles officielles et officieuses, d’un langage, de rituels, d’un patrimoine dont certains chefs-d’œuvre sont en péril et, plus important que tout, d’un esprit ! Ce dictionnaire vous invite amoureusement à pousser la porte du royaume. Bienvenue en Ovalie. »

Dans la salle, il était encore inconnu de certains. Et pourtant, ancien troisième ligne centre et entraineur de Toulon, avec son bandeau rouge noué sur sa longue tignasse blanche, sa barbe épaisse et sa gouaille inimitable, l’homme est une figure emblématique du Rugby. Impossible de l’oublier après l’avoir écouté ne serait-ce qu’une fois. Il peut passionner, agacer, mais rarement laisser indifférent.

Le Rugby est avant tout une école de la vie. […] savant dosage de courage, de solidarité et de convivialité […] Il en est de même dans l’entreprise.

Dans l’assistance, une jeune femme — qui dirigeait une société de conseil — me posa la première question en des termes qui étaient à peu près ceux-ci :

« Je suis moi-même passionnée par ce sport, pour les valeurs qu’il dégage … mais comment résumeriez-vous ce que peuvent être les apports du Rugby au monde de l’entreprise ? »

 Il y a quelques années, j’avais invité Daniel Herrero à intervenir devant l’ensemble des forces commerciales de mon entreprise. Le langage ciselé, le verbe enlevé, il avait bien sûr conquis l’assistance, femmes et hommes, jouant avec les mots comme il le fit jadis avec le ballon. Je répondis à la question en me souvenant des échanges que nous avions eus lors de la phase de préparation.

« Ils sont nombreux … mais comme le dit Daniel Herrero, le Rugby est avant tout une école de la vie. L’entreprise l’est aussi. Il nous faut comprendre pourquoi. Il existe de multiples raisons, mais celles et ceux qui aiment le Rugby avancent toujours les mêmes … un langage commun, des règles de vie, un état d’esprit … au fond une culture qui lui est propre. Pour ma part, je sais depuis longtemps que le facteur clé de succès pour une entreprise est justement la culture. C’est au fond la seule chose qu’il est impossible de copier sur son voisin ou concurrent. La culture fait la différence entre deux groupes. Elle signe ce que vous êtes et rassemble tout le monde. Les divergences s’estompent devant elle. »

Une école de la vie

Le Rugby est un savant dosage de courage, de solidarité et de convivialité — pour ce que l’on a coutume d’appeler la troisième mi-temps — en gardant bien à l’esprit qu’il ne s’agit pas uniquement d’un sport. Il en est de même dans l’entreprise. Cette dernière ne peut se résumer à cette définition que l’on retrouve dans tous les manuels de management : « une entreprise est une organisation ou une unité institutionnelle, mue par un projet décliné en stratégie ou en politiques et plans d’action, dont le but est de produire et de fournir des biens ou des services à destination d’un ensemble de clients ou usagers. » Elle ne peut être que cela. Elle l’est quand la culture n’est pas établie, quand les salariés ne sont pas animés par un objectif qui les transcende et qui va au-delà de la simple cible économique et financière.

Comme en Rugby, […] Dans l’entreprise, un contrat signé est généralement dû à une multitude de talents qui – ajoutés les uns aux autres – font la différence.

« Comme en Rugby, les entreprises les plus performantes sont celles qui s’inscrivent dans la durée, qui ne font pas de compromis sur leurs valeurs et qui privilégient le travail en équipe. Les adeptes du Rugby savent que les victoires sont le résultat d’un collectif, pas uniquement le fruit d’une performance individuelle. C’est pourquoi, on parle toujours d’humilité et de respect des autres. Bien sûr, l’exploit individuel est toujours possible, mais la vaste majorité des actions et des essais inscrits sont le fruit d’un effort de groupe. Dans l’entreprise, c’est la même chose, un contrat signé est généralement dû à une multitude de talents qui ajoutés les uns aux autres font la différence. 

– Je partage votre avis, poursuivit-elle, mais alors comment constituer ces équipes gagnantes ?

– C’est la bonne question. Cela prend du temps. Il faut commencer par briser l’uniformité. »

Briser l’uniformité

En Rugby, il y a quinze joueurs sur le terrain, plus le banc. Ce dernier est extrêmement important car en disposant de remplaçants de qualité, l’entraineur sait que le moment venu — généralement la seconde mi-temps quand la fatigue commence à se faire ressentir — il pourra faire tourner une partie de son équipe et faire ainsi la différence. Dans l’entreprise, ce banc pourrait être assimilé aux jeunes pousses, les potentiels de l’entreprise, qui se forment à l’ombre des plus expérimentés et qui attendent leur tour pour montrer leurs talents.

Les quinze joueurs sont aussi quinze gabarits différents. Tout le monde peut trouver sa place sur un terrain de Rugby, quelque soit sa taille ou son poids. Dans l’entreprise, on ne parle pas de physique bien sûr mais le parallèle est immédiat. Nous devrions constituer des équipes diversifiées en termes de profils alors même que nous avons depuis plusieurs décennies une tendance naturelle à nous « dupliquer ». Il est sans doute rassurant pour les dirigeants en poste de développer autour d’eux des potentiels qui ne sont ni plus ni moins que des copies conformes … d’eux-mêmes ! Ainsi, se sont développés les réseaux d’écoles ou d’universités au sein d’entreprises, des prises de contrôle en quelque sorte, des castes ou des confréries qui permettent inconsciemment de créer des liens de confiance et de fraternité, des valeurs et des références communes. D’ailleurs, le mot « caste » vient du portugais « casta » qui signifie « pur » ou « non mélangé ». Nous y sommes. S’il s’agissait de mariage, on parlerait d’endogamie. Et au fond, il existe de nombreuses similitudes entre un contrat de travail et un contrat de mariage ! Mais c’est bien l’inverse de ce qu’il convient de faire aujourd’hui.

La nécessaire complémentarité des talents

Comme en rugby — où tous les « formats » ont leur place — l’entreprise doit comprendre qu’elle augmente ses chances de succès en ajoutant des profils complémentaires. En se référant à Freud et à sa théorie des types libidinaux, il ne faut pas se figer sur des profils narcissiques purs — qui sont pour la société de demain les profils les moins adaptés — mais se tourner au contraire vers d’autres personnalités. En se référant aux styles de leadership véhiculés par Daniel Goleman, il faut être en mesure de combiner des profils différents : des « directifs » ou « chefs de file » quand la situation l’exige, des « visionnaires » bien sûr pour les charisme et leur capacité à diriger, des « collaboratifs » ou des « participatifs » pour créer des liens et booster la créativité ou finalement des « coachs » pour développer les compétences et les savoir-faire au sein des équipes. Il faut diversifier les formations, les cultures, ne pas rester figés sur un modèle car aujourd’hui aucun ne peut à lui seul être la solution. La solution idéale pour demain doit être le résultat d’une combinaison de savoir-faire, au croisement du cartésianisme, de l’innovation et de la pensée.

A l’âge de l’information et du digital, […] la diversité devient un atout décisif.

En diversifiant, l’entreprise se donne toutes les chances de ne pas passer à côté de l’essentiel. Or, notre époque s’inscrit dans la vitesse. Il faut analyser vite, peser le pour et le contre très rapidement et décider sans tarder. Pour optimiser ses chances de ne pas se tromper, mieux vaut compter dans ses rangs des profils très différents, des ingénieurs et des financiers certes — ces derniers ont été les plus dominants dans les entreprises de l’après-guerre jusqu’à quasiment aujourd’hui — mais aussi des littéraires, des créatifs, des autodidactes, des personnes formées en réalité dans des domaines très divers. A l’âge de l’information et du digital, alors même que nous sommes ancrés dans la 4ième révolution industrielle, que l’agilité est un critère de différenciation déterminant, la diversité devient un atout décisif.

Il est du reste rassurant de voir que de nombreuses entreprises en ont pris conscience et commencent à s’ouvrir en ce sens. C’est ainsi qu’elles pourraient intégrer dans leur stratégie des facteurs qui ne comptaient pas ou peu jusqu’à présent, comme l’environnement ou plus largement la responsabilité sociétale.

C’est le vœu que je forme en tout cas en ce début d’année.

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