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Comment les PME peuvent séduire les talents

C’est un fait, les PME rencontrent des difficultés pour recruter. Les raisons sont multiples : profils inadaptés, concurrence des grandes entreprises et manque d’attractivité. Pour embaucher la perle rare, il faut désormais changer de posture et séduire vos futures collaborateurs.

Jeudi 20 septembre, Muriel Pénicaud, ministre du Travail, se rend dans le Pôle Emploi du XXe arrondissement de Paris. L’objectif ? Aider les entreprises dans leurs process de recrutement, à travers notamment l’opération #VersUnMétier déployée par l’agence publique. Cette initiative vise à faire connaître aux chômeurs les métiers en tension au moyen d’ateliers, de « job dating » ou encore de visites d’entreprises.

L’une des raisons ? Les PME peinent de plus en plus à briller aux yeux des candidats. À travers la France, elles sont nombreuses à devoir composer avec des postes vacants. Selon l’enquête Bpifrance/Le Lab « Attirer les talents » dévoilée en janvier 2018, 83 % des PME et ETI avouent rencontrer des difficultés de recrutement. Pour 72 % d’entre elles, cela constitue même un frein à leur croissance. Près de la moitié (46 %) ont des difficultés de recrutement  » sérieuses « , c’est-à-dire fréquentes, avec un impact négatif réel sur le développement de leur chiffre d’affaires.

Mais qu’entend-on par « difficulté » ? « C’est de ne pas avoir assez de candidats, car 81 % des chefs d’entreprise signalent le manque de candidatures. Mais c’est aussi le fait d’avoir les mauvais candidats. Il y a une pénurie de compétences et l’absence d’un minimum de savoir-être, c’est-à-dire une motivation à rejoindre les PME », répond Philippe Mutricy, directeur de l’évaluation, des études et de la prospective de Bpifrance et président-fondateur de Bpifrance Le Lab.

Cette tendance touche tous les secteurs d’activité et tous les profils. Elle concerne aussi tous les niveaux de qualification, tous les postes, toutes les fonctions de l’entreprise. Les profils techniques sont particulièrement difficiles à recruter, mais aussi les profils commerciaux.

Bref, le mal est général et les raisons multiples. « Il y a des PME dont les métiers ne sont pas attractifs. Par exemple, le secteur de la mécanique plaira moins que celui des nouvelles technologies. Il y a aussi des entreprises qui sont basées dans des secteurs géographiques éloignés, ou celles dont les métiers ont disparu », énumère Éric Bothier, directeur associé fondateur du cabinet Axelyo, spécialiste du conseil en recrutement.

Un autre écueil est le niveau des salaires. Par ailleurs, une PME n’a pas les moyens, ni le pack social d’une ETI ou d’une grande entreprise. « Au final, toutes ces difficultés s’empilent. Et sur un marché tendu, les candidats regardent et comparent. Ils font leur benchmark », poursuit-elle.

La marque employeur, un concept efficace ?

La nouvelle génération qui entre sur le marché du travail impose ses codes, au risque parfois de se confronter avec les habitudes des PME. Elle n’a pas la même approche du travail que les générations précédentes et ses choix se portent souvent sur deux extrêmes : d’un côté, les grandes entreprises, de l’autre les start-up. Entre les deux, les PME doivent se battre pour exister. « Les jeunes diplômés préfèrent rejoindre les grands groupes, qui ont la puissance de la marque derrière eux. Sinon, ils se dirigent vers des start-up, c’est-à-dire une entreprise où on fonctionne à l’horizontal, en mode projet et où la hiérarchie est faible, justifie Philippe Mutricy. Cette façon de travailler, ils ne la retrouvent pas spontanément dans les PME qui évoluent selon des cultures managériales plus anciennes. »

Là où le bât blesse, c’est que la PME ne provoque pas d’imaginaire pour les nouvelles recrues. Le grand groupe séduit par son statut social ou la promesse financière qu’il dégage. La start-up, de son côté, par son innovation en termes de fonctionnement. Même la fonction publique est rapidement associée à la sécurité de l’emploi. Ce que la PME ne donne pas aux candidats de façon visible : une image de marque forte. « Le problème ne vient pas uniquement du côté des chercheurs d’emploi. Il vient aussi des PME qui doivent être plus attractives. Il existe plusieurs manières de répondre aux difficultés de recrutement, mais les dirigeants ont besoin d’une réponse efficace à court terme », ajoute pour sa part Élise Tissier, directrice du Lab de Bpifrance.

Une solution apparaît alors pour redorer l’image de la PME aux yeux des candidats : le concept de marque employeur. Ou comment affirmer son identité, repenser l’ADN même de l’entreprise dans le but de booster son attractivité. Dans un premier temps, il s’agit de travailler sur sa stratégie, de savoir se raconter. Quelle est la mission de l’entreprise ? Ses valeurs ? Ses objectifs ? Les dirigeants de start-up passent leurs journées à faire des pitchs. Les dirigeants de PME n’adoptent pas de façon innée cette culture de la mise en avant. Il s’agit donc de travailler sur le discours, quitte à se faire aider par une agence de communication. « Le travail sur la stratégie est un travail délicat à faire, car le chef d’entreprise est toujours dans le quotidien. Il est trop dans l’opérationnel et perd l’habitude de projeter son entreprise à 3 ou 5 ans, par exemple. S’il n’est pas en mesure de se projeter ainsi, il ne saura pas la raconter à un candidat, commente Élise Tissier. Or, les candidats ont besoin de sens. L’identification à un projet, c’est le ressort qui déclenche la motivation. »

Savoir parler de soi

L’entreprise doit mettre en avant ses atouts : son savoir-faire par exemple ou la possibilité d’évoluer. Il faut qu’elle montre que la PME, c’est aussi plus d’agilité et elle offre plus d’opportunités à quelqu’un qui a de la motivation. La marque employeur nécessite une démarche structurée, qui débouche sur la mise en place d’un ensemble d’actions RH cohérentes, concrètes… et peu onéreuses. Elles peuvent s’appuyer sur le bien-être au travail, les évolutions de carrière, la dynamique de croissance de l’entreprise, la qualité du management, etc.À l’entreprise d’être imaginative. « Par exemple, elle peut proposer une adhésion à une salle de sport, faciliter l’accès au logement ou encore avoir accès à un comité d’entreprise extérieur, propose Éric Bothier. Pour cela, elle peut mutualiser les ressources extérieures avec d’autres entreprises. Elle peut aussi jouer sur les horaires de travail, sur les primes personnelles ou sur les formations. Il s’agit d’être dans l’accompagnement de ses futurs collaborateurs. »

Affiner sa marque, affiner son identité

Chaque démarche de marque employeur est unique, en raison de la singularité de l’entreprise et des enjeux qui lui sont propres. Il n’existe pas une démarche générique. À chaque dirigeant de trouver ce qui distinguera son entreprise des autres. Affiner sa marque employeur, c’est en quelque sorte affirmer son identité, soit un élément-clé pour faire la différence auprès des candidats.

C’est d’ailleurs cet aspect qu’Alphadio Olory-Togbé, dirigeant de l’entreprise Lavoir Moderne, soigne tout particulièrement. Son entreprise se propose de réinventer le métier de pressing, en industrialisant l’entretien des vêtements des particuliers. Créée en 2014, elle a vu son effectif bondir en même temps que sa croissance. Actuellement, 50 salariés équivalent temps plein travaillent pour Lavoir Moderne. D’ici la fin de l’année, avec l’ouverture d’un 2 ème centre de production de 3 000 m2, ils seront 80. Et que dire de 2019, où un 3 ème centre de production de 15 000 m2 verra le jour… Pour répondre à ces besoins de recrutement, le dirigeant a d’emblée fait appel à un cabinet spécialisé.

Pourquoi ? Pour confier à un spécialiste la recherche de la bonne personnalité, celle qui collera avec l’univers du Lavoir Moderne. « Nous recherchons des professionnels qui, au-delà d’être des experts de leur métier, sont compatibles avec l’esprit d’entreprise, confirme Alphadio Olory-Togbé. Pour une PME de notre taille, ce qui fait son succès ou son échec, c’est avant tout l’équipe. » C’est pourquoi, le dirigeant fait une véritable analyse de chaque personnalité. Bien sûr, il reçoit les candidats sélectionnés par le cabinet, mais il s’adresse à eux comme s’ils étaient des investisseurs : « Nous leur vendons notre projet. Le but est de leur donner envie non pas de prendre un poste dans une entreprise, mais de prendre part à une aventure », affirme-t-il.

Se remettre en question

Travailler sur la marque employeur, c’est aussi soigner l’image de l’entreprise dès le premier jour de l’embauche. Ce jour-là, tout l’écosystème du candidat est prévenu, l’essor des nouvelles technologies et des réseaux contribuant à répandre l’expérience de son premier jour. Deux cas de figure se présentent alors : celui où une image positive sera diffusée, celui où rien ne sera pardonné. « Il faut faire attention aux petits détails qui permettent de bien accueillir un nouveau salarié. Il fera rapidement savoir s’il se sent entouré ou livré à lui-même », souligne Philippe Mutricy.

Au Lavoir Moderne, les nouvelles recrues suivent un parcours d’intégration. Elles y découvrent toute les fonctions de l’entreprise, quel que soit le poste : production, distribution… Le responsable de la R&D fraîchement recruté est même allé livrer chez des particuliers ! À l’usine, il a travaillé sur les robots de repassage de chemise et de draps. « Cela permet de nouer des contacts et de comprendre les différents métiers des collaborateurs », glisse le dirigeant.

En somme, pour attirer les talents, la PME doit savoir remettre en question ses pratiques, son organisation ou encore ses méthodes de travail. Enfin, il faut savoir que la marque employeur cible certes les candidats potentiels dans un premier temps, mais elle touche aussi les collaborateurs de l’entreprise dans un second temps. Les finalités d’une démarche de marque employeur sont en effet plus nombreuses qu’il n’y paraît.

Il s’agit de se faire connaître pour attirer de bons candidats et hauts potentiels, d’augmenter le volume de candidatures pertinentes et de qualité. C’est aussi fidéliser les équipes et accroître le sentiment d’appartenance. In fine, elle aide les salariés à intégrer les valeurs et la culture de l’entreprise. « Il s’agit de créer un sentiment de fierté en interne, qui permet de jouer sur un nouvel engagement des collaborateurs. Ce qui n’est jamais neutre pour un chef d’entreprise », promet Élise Tissier.

Vos équipes peuvent devenir elles-mêmes des ambassadeurs de l’entreprise auprès du monde extérieur. À travers sa marque employeur, le dirigeant formule en quelque sort une promesse pour favoriser l’attractivité, l’engagement et la fidélité.