Le recrutement prédictif, une méthode efficace pour éviter les erreurs de casting

Pour lutter contre le turnover des cadres, les entreprises ont de plus en plus recours au recrutement prédictif.

C’est prouvé : la qualité des recrutements effectués par les entreprises a un impact direct sur leurs résultats opérationnels, notamment sur les profits réalisés ainsi que sur la rentabilité. Le problème, c’est que la façon dont la majorité des organisations recrute aujourd’hui est loin de fournir des résultats satisfaisants.

Ainsi, 17% des personnes embauchées ne sont plus en poste après tout juste six mois, selon la Dares. Au bout d’un an, ce sont 36% des collaborateurs recrutés qui ont quitté l’entreprise. Ce chiffre s’élève même à 46% passé les 18 mois, comme le montre le consultant américain Mark Murphy, auteur de « Hiring for attitude » (McGraw Hill Education, 2012). Si l’on considère qu’il faut en moyenne deux ans à une personne pour être à pleine puissance sur son poste, ces chiffres attestent d’une situation particulièrement préoccupante.

Des échecs liés au comportement

Le plus marquant, c’est que dans neuf cas sur dix, ces échecs trouvent leur origine non pas dans l’inadéquation entre les compétences techniques des personnes recrutées et celles qui sont requises pour le poste en question, mais dans des problèmes de comportement.

On peut citer les chiffres avancés par Mark Murphy sur les décalages flagrants entre les valeurs personnelles des individus et celles prônées par les entreprises qui les ont recrutés, l’incapacité des personnes à accepter le feedback (26%), l’inaptitude à comprendre et à gérer ses propres émotions (23%), le manque d’ambition et d’envie d’exceller (17%) ou encore la présence de décalages majeurs entre le tempérament nécessaire pour réussir en poste et celui présenté par les personnes embauchées (15%). La réalité, c’est que seuls 11% des échecs de recrutement sont réellement attribuables à un manque de connaissances ou de compétences purement techniques, lesquelles pourraient d’ailleurs tout à fait être acquises au travers de formations adéquates.

Une évaluation du potentiel des candidats

Pour tenter d’endiguer ce phénomène, de nouvelles formes d’évaluation du potentiel ont récemment émergé. C’est le cas du recrutement prédictif, une forme de sélection qui permet de procéder à des anticipations fiables des capacités des candidats à réussir et à rester en poste, en s’appuyant tout spécialement sur l’évaluation de leur potentiel (lire aussi l’article : « La recherche de talents au 21ème siècle »).

L’originalité de cette forme de recrutement consiste par conséquent à se concentrer davantage sur qui sont réellement les personnes, plutôt que sur leur parcours académique et/ou professionnel. Son adoption grandissante par un nombre d’entreprises en France et à l’international (+240% en 2018) montre qu’il constitue une alternative crédible aux méthodes de recrutement plus classiques, telles que l’analyse de CV ou de profils LinkedIn.

On pourrait considérer que tout acte de recrutement est forcément prédictif par nature. Après tout, recruter revient à « choisir » une personne. Et lorsque cette personne est sélectionnée, c’est parce que le recruteur possède la conviction qu’elle sera à même à fournir de bons résultats une fois en poste. Le problème, c’est que si les recruteurs réalisent effectivement des prédictions – plus ou moins formalisées – celles-ci sont souvent peu fiables. En atteste notamment le nombre d’échecs constatés à six, douze et dix-huit mois. L’intérêt majeur du recrutement prédictif – outre qu’il permet de formuler des prédictions explicites et parfaitement argumentées quant aux capacités de réussite et d’engagement des personnes en poste – est son caractère à la fois objectif et évolutif, car les algorithmes sont régulièrement abreuvés de données.

Les facteurs clés du potentiel comportemental

Lorsque l’on parle de potentiel en recrutement prédictif, il s’agit avant tout du potentiel comportemental. Ce dernier est envisagé comme étant la combinaison de trois facteurs clés : la façon dont la personne pense (ses capacités), ce qui la met en mouvement (ses motivations) et la façon dont elle se comporte au quotidien (sa personnalité).

Ces facteurs sont appréhendés au travers de questionnaires d’une dizaine de minutes chacun et dont l’objectif est de parvenir à une caractérisation fine de l’ensemble des candidats, selon un ensemble de critères prédéfinis. Si ces facteurs doivent être utilisés pour évaluer le potentiel de chacun des futurs candidats, ils doivent l’être également pour définir le profil recherché par l’entreprise. Ce profil recherché est formalisé au travers de ce que l’on appelle un « modèle prédictif ».

Pour bâtir ce modèle, l’une des méthodes les plus couramment employées – et les plus efficaces – consiste à évaluer en interne les personnes qui occupent déjà le poste pour lequel on souhaite bâtir un modèle (sur chacun des trois facteurs clés du potentiel) puis à lier ces caractéristiques par rapport à deux variables : d’une part le niveau de performance effectivement délivrée par chacun des collaborateurs en poste, d’autre part la qualité de son attitude, entendue comme son alignement par rapport à la culture d’entreprise et des façons de faire qui ont cours au sein de l’organisation.

Grâce au rapprochement entre ces deux catégories de données (d’une part « qui sont les personnes », d’autre part leurs résultats et leur attitude au travail), il devient possible d’identifier ce que l’on appelle des « prédicteurs de la performance et de la satisfaction en poste ».

Une expérience candidat renouvelée

Pour les candidats, le recrutement prédictif promet une expérience inédite. Au lieu de transmettre leur CV, il leur suffit désormais de compléter leur profil personnel en répondant aux trois questionnaires.

Le premier, qui s’apparente à un test d’aptitude intellectuelle, permet d’évaluer l’agilité mentale des individus, leur faculté à acquérir rapidement de nouvelles connaissances et de nouvelles compétences. Le deuxième se concentre sur les motivations des candidats. Il a pour objectif de comprendre les situations qui ont un impact positif sur leur engagement. Le troisième est un questionnaire de personnalité. Il permet d’identifier les comportements que les individus ont tendance à adopter naturellement au quotidien.

Afin de s’assurer que les candidats n’anticipent pas les attentes du recruteur dans leur réponse (par exemple, un commercial qui forcerait le trait sur ses capacités relationnelles ou de persuasion), les algorithmes de traitement des résultats prennent en compte, non seulement les réponses apportées par les candidats, mais également la vitesse à laquelle ces réponses sont choisies. Il est ainsi possible d’évaluer, pour chacune des dimensions de personnalité et de motivation, la spontanéité avec laquelle les réponses ont été sélectionnées.

Une fois leurs profils complétés, ceux-ci sont automatiquement rapprochés du modèle prédictif choisi. A la suite du traitement issu de l’algorithme prédictif, il résulte une projection (prédiction) de chacun des candidats en termes de capacité à réussir en poste, de faculté à s’intégrer et à s’épanouir dans l’entreprise.

Ces derniers sont quant à eux évalués au regard de qui ils sont réellement, quelles que soient les écoles ou universités qu’ils ont fréquentées et/ou les entreprises par lesquelles ils sont passés. Par conséquent, les entreprises qui recourent au recrutement prédictif ont tendance à être plus ouvertes à des profils atypiques et diversifiés. Autre avantage de cette méthode, chaque candidat reçoit automatiquement un retour immédiat sur ses points forts, ses talents ainsi que ses axes d’amélioration éventuels. Ce qui permet aussi aux entreprises de jouir d’une meilleure image employeur (lire aussi la chronique : « Ce qui se cache derrière la marque employeur »).

Des recrutements plus efficaces

Aujourd’hui, les entreprises qui ont adopté le recrutement prédictif constatent des améliorations significatives. Ainsi, une célèbre enseigne parisienne d’un groupe de grands magasins a pu observer une différence de revenus générés par les vendeurs de l’ordre de 11%, entre les vendeurs recrutés à l’aide du recrutement prédictif et ceux recrutés d’une manière traditionnelle, sur la base de leur CV et d’un entretien.

Cela leur a en outre permis de s’ouvrir à des profils beaucoup moins conventionnels (candidats sans expérience préalable en vente, par exemple). L’enseigne a également divisé par deux le nombre d’entretiens réalisés par ses équipes de recruteurs (passant de 2000 à 1000), tout en augmentant d’un quart le nombre de recrutements réalisés en un an. Enfin, le taux de turnover des vendeurs à douze mois est passé de 17% à moins de 9% en tout juste une année. Preuve que le recrutement prédictif est bien synonyme d’efficacité.

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